31-03-2010 / IN Publications

Maître Laurent DAGUES, Avocat au Barreau des Pyrénées-Orientales présente quelques points d’actualités de droit de la famille communautaire

1/ Les problèmes de compétence territoriale en matière de responsabilité parentale :

L’article 8 du Règlement CE n° 2201/2003 du 27 Novembre 2003, dit Règlement BRUXELLES II bis, prévoit notamment qu’en matière de “Responsabilité parentale”, le principe de la compétence est déterminé par la résidence de l’enfant :

“… Les juridictions d’un Etat membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet Etat membre au moment où la juridiction est saisie…”

Dans un arrêt rendu le 2 Avril 2009 (Aff. C-523/07,A), la CJCE a donné une première interprétation de la notion de “résidence habituelle de l’enfant” :

” … La notion de résidence habituelle au titre de l’article 8 doit être interprétée en ce sens que cette résidence correspond au lieu qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et familial. A cette fin, doivent être pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un état membre et du déménagement de la famille dans cet état, la nationalité de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par l’enfant dans ledit état. Il appartient à la juridiction nationale d’établir la résidence habituelle de l’enfant en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait particulières à chaque èspèce.”

2/ Absence de hiérarchie des chefs de compétence en matière de divorce dans le Règlement BRUXELLES II bis :

On sait que le Règlement pose un certain nombre de critères de compétences, système complexe puisque superposant des compétences sans les hiérarchiser (cf articles 3 à 14 du Règlement).

Dans un arrêt rendu par la Cour de Cassation (1ère civ. 24 Septembre 2008 n° 07-20.248), a été rappelé un principe élémentaire mais fondamental en matière de chefs de compétence pour le divorce, énumérés par l’article 3 du Règlement BRUXELLES II bis : l’absence de hiérarchie entre les fors, qui sont donc parfaitement alternatifs.

En l’èspèce, l’épouse, de nationalité française, avait déposé une requête en FRANCE, à l’encontre de son mari, également de nationalité française mais résidant au Portugal.

Les juridictions du fond avaient dit que le juge français ne pouvait être compétent, en retenant que le critère de la résidence primait sur celui de la nationalité, ce qui rendait compétent le juge portugais.

Ce raisonnement est écarté clairement par la Cour de Cassation, les règles de compétence générales étant donc alternatives.

Le praticien doit donc avoir comme réflexe premier, dans l’hypothèse d’un divorce “international” de saisir très rapidement la juridiction qu’il estime compétente, ce qui ouvre le débat sur la “course au divorce en EUROPE”…

3/ La course au divorce en EUROPE : problème de la litispendance :

Dans un arrêt du 11 Juin 2008 (Cass. 1ère Civ n° 06-20.042), la situation était la suivante :

Deux époux, de nationalité française, s’étaient installés en ANGLETERRE avec leur enfant commun.

L’époux dépose le 24 Mars 2005 une requête en divorce devant le juge français (article 3 b/ du Règlement : compétence du juge de la nationalité des deux époux); l’épouse, le même jour, saisit le juge anglais en application de l’article 3a/ du même Règlement (juge de la résidence habituelle des époux).

Au niveau des faits, l’épouse démontrait avoir déposé sa requête le 24 Mars 2005 à 12 heures 30, l’époux produisait simplement la date du dépôt de sa requête au 24 Mars 2005, sans justifier de l’heure.

Devant le juge français, l’épouse soulève la litispendance et sollicire le sursis à statuer, dans l’attente de l’issue de la procédure engagée en ANGLETERRE.

Les juges du fond ayant suivi cette argumentation, l’époux forme un pourvoi, et soutient qu’il appartenait à l’épouse de rapporter la preuve des conditions de la litispendance, et qu’elle devait donc établir que le juge anglais avait été le premier saisi.

L’époux place donc le débat sur la charge de la preuve : se plaçant sur le terrain de la litispendance, il soutient que l’épouse devait prouver l’heure de saisine du juge anglais mais aussi celle, nécessairement plus tardive, du juge français par l’époux.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi de l’époux :

” Lorsque deux juridictions ont été saisies à la même date et que la partie invoquant l’exception de litispendance prouve l’heure à laquelle elle a saisi la juridiction dont elle revendique la compétence, il incombe à l’autre partie, pour écarter cette exception, d’établir une saisine antérieure.”

Dans ce même ordre d’idées, il convient de rappeler aux praticiens que pour la Cour de Cassation (deux arrêts de principe rendus par la 1ère Chambre Civile le 11 Juillet 2006), les juridictions françaises doivent être considérées comme saisies dès le dépôt de la requête en divorce, et non pas au jour de l’assignation.

Remarque pratique : L’Avocat qui saisit la juridiction française dans un tel dossier doit faire la démarche auprès du greffe du JAF de faire noter l’heure et la date du dépôt de la requête, pour éviter ce type de recours.

4/ Application du principe “forum non conveniens” :

Le Règlement prévoit en son article 15 un mécanisme original, de renvoi à un juge mieux placé pour connaître de l’instance.

On a vu que la compétence des juridictions saisies de questions relatives à l’attribution, l’exercice, la délégation, le retrait total ou partiel de la responsabilité parentale est, de principe, fondée sur la résidence habituelle de l’enfant.

Selon l’article précité, il est possible de déroger à la compétence du tribunal de la résidence habituelle de l’enfant au profit d’un autre tribunal “mieux placé pour connaître de l’affaire, ou une partie spécifique de l’affaire”, “à titre d’exception” et “lorsque cela sert l’intérêt supérieur de l’enfant”.

Ce renvoi peut émaner d’une des deux parties, mais également du juge saisi, ou encore de “la juridiction d’un autre Etat membre avec lequel l’enfant a un lien particulier”.

A compter du renvoi, la juridiction nouvellement saisie a un délai de 6 semaines pour indiquer si elle est compétente.

Dans la négative, la juridiction premièrement saisie continue d’exercer sa compétence.

Ce mécanisme original, qui institue une véritable coopération entre juges, a donné lieu à une décision du TGI de BERNAY le 26 Janvier 2006 (Jurisclasseur Procédures Décembre 2006 p.15).

Un citoyen britannique a deux enfants : L. et A. La mère est française.

Le juge français, initialement saisi dans le cadre de la séparation des parents, a constaté que si L. avait sa résidence en France, son enfance s’était déroulée en ANGLETERRE, où son frère A. est revenu vivre, le juge britannique ayant été saisi pour statuer sur la situation de A.

Décision du juge de BERNAY :

“Si l’on retenait la compétence du juge du lieu de résidence habituelle de L. pour statuer sur sa situation, l’on risquerait une contradiction de décisions pour les deux enfants.

“Il est donc dans l’intérêt de L. que sa situation soit examinée par le
même juge que celui qui va statuer sur l’organisation des droits des parents sur don frère A.

” Par conséquent, il convient de renvoyer les parties à saisir le juge anglais compétent dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision…”