La loi pour la modernisation de l’économie du 4 août 2008, dite loi LME, comprend 175 articles sur différents aspects juridiques. Seront étudiés ci-dessous les dispositions relatives à la réforme des pratiques commerciales (I) et celles concernant la propriété intellectuelle (II).
I – La réforme des pratiques commerciales
Au sein des nombreuses dispositions hétéroclites de la loi dite LME, une des réformes les plus importantes est celle relative aux pratiques commerciales, et plus particulièrement aux « pratiques restrictives de concurrence », qui figurent aux articles L.442-1 et suivants du Code de commerce (sur l’ensemble de la question, voir le commentaire de la loi par J-C FOURGOUX, in Gazette du Palais 14-16 septembre 2008, p.2).
Cette matière a déjà fait l’objet dans les dernières années de nombreuses retouches (notamment les lois NRE du 15 mai 2001, Dutreil du 2 août 2005 et Chatel du 3 janvier 2008).
Les quatre apports majeurs de la loi à cet sujet sont la suppression de principe de non-discrimination (1), l’assouplissement des exigences relatives aux conditions générales de vente (2), la réduction imposée des délais de paiement (3) et l’immixtion du juge dans l’équilibre du contrat (4).
1- La suppression du principe de non-discrimination
La loi LME constitue une véritable rupture concernant l’interdiction de discrimination, qui était un principe essentiel dans les relations entre fournisseur et distributeur. L’ancien article L. 442-6-I-1° du Code de commerce condamnait le fait pour un opérateur économique de « pratiquer à l’égard d’un partenaire économique ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiées par les contreparties réelles en créant de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ».
Cette disposition, associée à l’interdiction de revente à perte (art. L.442-2 du Code de commerce), avait conduit au développement des fameuses marges arrières définies par le Conseil de la Concurrence, dans son avis du 18 octobre 2004, comme « la différence entre le prix net sur facture et le prix réellement payé par le distributeur, appelé ‘prix net net net’, résultant des réductions de prix conditionnelles hors facture et des accors de coopération commerciale ».
La loi LME, dans son article 93, abroge purement et simplement l’interdiction de non-discrimination, de sorte qu’il est désormais possible de négocier des conditions de vente discriminatoires même non-justifiées par des contreparties réelles, sous réserve que le jeu de la concurrence sur le marché ne soit pas affecté.
Une conséquence indirecte de ce bouleversement est l’ajout à la liste des clauses nulles de l’article L. 442-2-II-4 de celles qui permettent de « bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ». Comme l’indique Me FOURGOUX « le législateur consacre et récompense le meilleur négociateur et dissuade celui qui aura mal acheté de prévoir automatiquement un alignement sur les conditions les plus avantageuses ».
2 – L’assouplissement des dispositions relatives aux CGV
Les CGV demeurent le « socle de la négociation commerciale » et doivent toujours être communiquées à tout acheteur de produit ou demandeur de prestations de services (art. L.441-6 du Code de commerce). Cependant, la loi LME introduit une réforme importante en ce qu’il est désormais possible de différencier les CGV selon les catégories de clients. Naturellement, seules les CGV applicables à la catégorie du client devront être communiquées. Le système laisse donc beaucoup plus de souplesse aux entreprises mais il affaiblit, en combinaison avec la possibilité de discrimination, l’exigence de transparence tarifaire dans les relations commerciales.
3- La réduction imposée des délais de paiement.
Le législateur a exprimé le souhait de réduire les délais de paiement. Le principe demeure de règlement à trente jours « suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée », sauf dispositions contraires figurant dans les conditions générales de vente ou convenues entre les parties. Cette possibilité de dérogation est désormais fortement limitée puisque le délai de règlement librement convenu ne peut dépasser « quarante-cinq jours fin de mois ou soixante-jours à compter de la date d’émission de la facture ». On est donc en-deçà du délai moyen actuel de règlement de 67 jours.
4- L’immixtion du juge dans l’équilibre du contrat.
Le principe du consensualisme contractuel est mis à mal par le nouvel article L. 442-6-I-2° qui prévoit qu’engage la responsabilité de son auteur le fait de « soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Ce texte, d’inspiration consumériste, permet au juge de s’insérer dans la relation contractuelle librement négociée pour rétablir une sorte d’équilibre entre les droits et obligations des parties, insérant une idée d’équité au sein du contrat. Les potentialités de cet texte sont intéressantes mais il faut attendre les premières applications jurisprudentielles pour en analyser l’impact réel.
II – Les modifications relatives à la propriété intellectuelle
La loi du 4 août 2008 publiée au Journal Officiel le 5 août, intéresse la propriété intellectuelle dans son chapitre III sur le développement de l’économie de l’immatériel, notamment ses articles 132 à 135 .
Cette loi précise que les inventions sont brevetables dans tous les domaines technologiques, conformément à l’article 27 des accords ADPIC ratifiés par la France .
Elle prévoit également la brevetabilité de la deuxième (et suivante) application thérapeutique, limitée à l’utilisation thérapeutique spécifique nouvelle, suivant ainsi le nouveau régime de protection en vigueur auprès de l’Office Européen des Brevets depuis l’entrée en vigueur le 13 décembre 2007 de la convention dite CBE 2000.
Le titulaire du brevet peut désormais à tout moment limiter la portée de son brevet, en modifiant les revendications, sur requête auprès de l’INPI, dans des conditions qui seront précisées par voie réglementaire, suivant là aussi la nouvelle procédure de limitation en vigueur auprès de l’OEB depuis l’entrée en vigueur de la CBE 2000. Comme à l’OEB, il est probable que cette modification des revendications pourra puiser dans la description, car le texte distingue entre la renonciation à une revendication et la modification des revendications.
Il peut également limiter les revendications dans le cadre d’une action en nullité, mais de multiples limitations poursuivant un but dilatoire ou abusif seront sanctionnées par une amende civile de 3.000 euros et des dommages et intérêts. La loi vient donc préciser une procédure de limitation judiciaire qui était déjà pratiquée, mais assez méconnue et peu usitée. L’avenir dira si la nouvelle loi inspirera les plaideurs .
La loi innove également sur la question de l’opposabilité des licences non inscrites aux Registres nationaux ou internationaux. Désormais, le licencié non inscrit sera recevable à intervenir dans l’instance engagée par le propriétaire du titre, afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre. Mais ce texte ne dit pas si le licencié sera recevable à obtenir réparation pour la période antérieure à son intervention.
Enfin, la loi met fin à un débat dans la doctrine sur la question de savoir si les litiges en matière de droit d’auteur relèvent de la compétence exclusive des TGI ou peuvent encore relever de la compétence des tribunaux de commerce. Cette incertitude était liée au maintien dans l’article L.331-1 CPI de l’expression “tribunaux compétents”. Désormais, la loi prévoit expressément pour tous les droits de propriété intellectuelle que seuls les TGI ont compétence, dont la liste sera fixée par voie réglementaire.
Cabinet LOYER & ABELLO
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