Code de bonne conduite et produits dérivés
MARCHES DE GRÉ A GRÉ :
Code de bonne conduite et projets de réglementation des produits dérivés
Catherine BOINEAU
Avocat au Barreau de PARIS
Médiateur au CMAP
SCP BOINEAU SOYER & Associés
242 bis boulevard Saint Germain – 75007 PARIS
Tél. 01.45.48.86.06 – Fax 01.45.49.44.23
Email : cboineau@boineau-soyer.com
Introduction
Charles-Henri TAUFFLIEB nous a présenté dans le détail les objectifs de la dernière version du Code de bonne conduite AFTE, les motifs de sa réactualisation, son architecture et les principales nouveautés insérées dans ce Code par rapport à sa version précédente.
Il nous a également donné son point de vue sur le positionnement de ce Code par rapport à la réglementation en vigueur et sur le refus explicite de la Fédération Bancaire Française « FBF » de s’associer à l’AFTE pour demander à l’AMF d’approuver ce Code en qualité de « règles professionnelles », conformément à l’article 314-2 du Règlement général de l’AMF qui dispose que :
« Lorsque une association professionnelle élabore un code de bonne conduite destiné à s’appliquer aux prestations de services d’investissement ou à la gestion d’OPCVM, l’AMF s’assure de la compatibilité de ses dispositions avec celles du présent règlement.
L’association professionnelle peut demander à l’AMF d’approuver tout ou partie de ce code en qualité de règles professionnelles.
Quand, après avis de l’Association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, l’AMF estime opportun d’appliquer à l’ensemble des prestataires de services d’investissement tout ou partie des dispositions du code en cause, elle fait connaître cette décision en la publiant au Bulletin des annonces légales obligatoires et sur son site.»
Par ailleurs, et pour mémoire, en application de l’article L 611-3-1 du Code Monétaire et Financier résultant d’une ordonnance du 5 décembre 2008 :
« Le ministre chargé de l’économie peut, après avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières et à la demande d’une ou plusieurs organisations représentatives des professionnels du secteur financier figurant sur une liste arrêtée par le ministre, homologuer par arrêté les codes de conduite qu’elles ont élaborés en matière de commercialisation d’instruments financiers mentionnés à l’article L 211-1, de produits d’épargne mentionnés au titre II du Livre II du présent code ainsi que de contrats d’assurance individuels comportant des valeurs de rachat, de contrats de capitalisation et de contrats mentionnés à l’article L 132-5-3 et à l’article L 441-1 du Code des assurances. »
Ces textes démontrent ainsi que désormais la référence à des Codes de bonne conduite fait partie intégrante, tant du règlement de l’AMF que du Code Monétaire et Financier.
Le thème de mon intervention se trouve alors naturellement déterminé :
quid de l’origine des Codes de bonne conduite ? (I)
dans quels domaines ont-ils été établis ? (II)
quelle est leur utilité et sont-ils pris en compte par les juges ? (III)
Telles sont les interrogations auxquelles je vais essayer d’apporter quelques réponses pratiques tirées de la jurisprudence récente et de ma pratique professionnelle.
I – L’ORIGINE DES CODES DE BONNE CONDUITE :
J’ai la chance d’avoir à traiter d’un sujet très intéressant, particulièrement « porteur », compte tenu de l’actualité et qui va nous amener à une réflexion transversale sur des sujets relevant normalement de domaines bien différents :
– d’une part, – réflexion sur la distinction entre ce qui relève du devoir, de la règle professionnelle, de la morale, de l’éthique et, in fine, de la « bonne conduite » : c’est un débat quasi philosophique qui pourrait constituer un sujet pour les prochaines épreuves du Baccalauréat.
La « bonne conduite » ce n’est :
ni le devoir, lequel, selon le Littré, se définit comme :
« Ce qu’on doit faire, ce à quoi l’on est obligé par la loi ou la morale, par son état ou les bienséances ». (cité dans Jurisclasseur Banque, Crédit, Bourse)
ni la morale, laquelle doit en résumé :
« englober l’ensemble des activités de l’individu… et selon des principes immuables au moins à terme humain » (F. PERRIER – Abrégé de déontologie des activités financières).
mais, c’est simplement et spécialement, en matière financière :
« L’expression de règles de pratiques professionnelles adaptées et évolutives. »
– d’autre part, – réflexion sur l’évolution des sources du droit et de ceux qui en sont à l’origine :
le législateur tout en haut de la pyramide, dont on ne sait pas toujours s’il connaît exactement l’activité sur laquelle il légifère : les exemples de textes inadaptés à la situation qu’ils prétendent traiter sont légions, textes d’autant plus imparfaits qu’ils sont souvent désormais édictés dans l’urgence pour des questions d’opportunité.
les praticiens, qui ont depuis fort longtemps – toutes activités confondues déterminé des usages ou des « usances » – ils savent très bien ce qui se fait, ou ce qui ne se fait pas et se trouvent, parfois, désarmés quand, concernés par un litige, ils n’ont pour référence que le texte de la loi ou du règlement.
enfin, le couple « magistrats/avocats », ces derniers essayant de faire passer aux juges le message que leur client estime légitime pour obtenir le résultat souhaité : c’est la création prétorienne de la jurisprudence qui ne cesse d’évoluer et qui précède parfois la loi et les directives européennes.
Or, justement, l’élaboration de Codes de bonne conduite, depuis quelques années, s’inscrit dans la « reprise en mains » par les praticiens eux-mêmes de leurs propres activités pour élaborer un document de référence susceptible d’avoir une incidence sur l’appréciation du comportement des parties et donc sur l’appréciation que pourra donner un magistrat à un éventuel litige.
Ainsi que l’a souligné Monsieur François SCHWERER, dans un article abondamment cité, paru dans la Revue « Banque et Droit » en septembre/octobre 2001 qui portait sur le thème « Les établissements de crédit, l’éthique et les nouvelles technologies » l’irruption de l’éthique dans la vie des affaires a commencé aux Etats-Unis avec l’adoption en 1977 du célèbre « Foreign Corrupt Practices Act » qui recommandait aux entreprises d’adopter un programme de prévention et de détection des délits, texte qui ne concernait qu’indirectement les établissements de crédit.
Puis, les institutions européennes ont, à leur tour, adopté des règles déontologiques, avec le 25 juillet 1977, une « recommandation » de la Commission portant sur un Code de bonne conduite concernant les transactions relatives aux valeurs mobilières qui a édicté des règles se voulant des principes généraux auxquels tous les systèmes européens devaient se conformer (il était déjà fait référence au comportement loyal et au devoir d’information des intermédiaires financiers).
Depuis, ce mouvement n’a cessé de s’amplifier dès lors que, comme l’a remarqué, à juste titre, Monsieur Pascal DENER :
« L’éthique des affaires est un investissement, puisque c’est la poursuite méthodique d’un intérêt bien compris qui rapporte à moyen et long terme. Conjuguer éthique et stratégie dans les entreprises les plus performantes du monde devient la condition d’une réussite durable ».
Les Codes de bonne conduite, comme les Codes de gouvernance d’entreprise sont de véritables nouveaux instruments qui sont souvent nés à la suite de situations de crise avérées.
Ainsi, parait-il intéressant de rappeler l’expérience britannique.
Le Royaume Uni dans le début des années 90 a été en proie à de très importants scandales, dont celui de la BCCI et de l’Affaire MAXWELL.
Pour restaurer la confiance des investisseurs et l’activité de la place de Londres, il a été décidé de mettre en place un système améliorant la gouvernance des sociétés cotées.
Or, nous savons tous que l’approche traditionnelle des anglo-saxons n’est pas d’édicter de trop nombreuses lois ou règles.
C’est dans ce contexte que s’est développée, ce que les praticiens nomment la « soft law » « réglementation douce » qui repose, non pas sur des règles impératives venues de « tout en haut », mais sur la référence aux meilleures pratiques « best practices » dont les sociétés peuvent se dispenser, mais elles doivent, alors, en expliquer la raison, selon le célèbre principe « se conformer ou expliquer ».
L’objectif n’est pas seulement juridique, mais encore politique : en effet, faire accéder des « usages » ou des « recommandations » au rang de « soft law », c’est protéger les intérêts des actionnaires et donc, favoriser la création de valeur et améliorer l’image des entreprises auprès de tous (investisseurs, public en général).
Le Code de gouvernance de l’AFEP et du MEDEF qui constitue aujourd’hui la référence dans notre pays pour les sociétés cotées, s’inspire directement de ces principes.
Tout cela constitue une « révolution méthodologique importante » selon la formule de Monsieur MAGNIER.
Cela traduit également une évolution des mentalités non négligeable.
Pour l’anecdote, je citerai un article paru en 95 dans la revue trimestrielle de droit civil, qui critiquait les Codes de bonne conduite et autres Chartes estimant que ces documents n’avaient pas à se substituer à la seule norme valable, celle de la Constitution et de la loi.
Le titre de cet article était révélateur en soi, si besoin en était, de son contenu :
« Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique etc : réflexion sur la dégradation des sources privées du droit. »
L’auteur de l’article se fondait ainsi sur un rapport du Conseil d’Etat de 1991, qui traitait de la dégradation de la norme qui résidait, selon lui « dans le développement d’un droit mou, un droit flou, un droit à l’état gazeux ».
Dont acte.
Les qualificatifs utilisés étaient ainsi très révélateurs de la position, à l’époque, du Conseil d’Etat sur le sujet !
Or, aujourd’hui, c’est tout le contraire, et la « réglementation douce » et non plus « molle » (c’est un progrès explicite et révélateur dans la formulation !) est devenue une référence et une source de droit.
D’ailleurs, le Code de bonne conduite de l’AFTE – je vous rassure – n’instaure pas un droit à « l’état gazeux », sauf qu’il pétille manifestement de bonnes idées et de règles à respecter….
En conséquence, il n’y a plus seulement la loi et de simples « recommandations » dénuées de portée juridique : il y a un échelon intermédiaire constitué par des Codes de gouvernance ou des Codes de bonne conduite qu’il n’est plus possible d’ignorer.
Le Code de bonne conduite n’est donc aucunement un « doublon inutile » selon la formule du Professeur Bertrand FAGES, Professeur à l’Université Paris I : c’est l’expression d’un point de vue pratique et opérationnel des règles du jeu, que ce soit au sein d’une entreprise (code interne) ou au sein de branches d’activités, et qu’il soit homologué ou non.
En effet, à coté de la déontologie dite « régulée » comme le remarque Monsieur SCHWERER dans la chronique précitée :
« La tendance est à un développement de la « déontologie choisie » qui résulte de divers codes qui, lorsqu’ils édictent des dispositions impératives, font partie du règlement intérieur et, comme tels, doivent être soumis aux règles de forme que le Code du travail impose à tout règlement intérieur. Ces codes qui ne s’arrêtent pas aux simples règles relatives aux opérations de bourse réalisées pour compte propre par les membres du personnel, ni aux opérations de lutte contre le blanchiment, peuvent aussi intégrer des domaines aussi divers qu’une charte destinée aux informaticiens ou des règles de passation des contrats pour travaux immobiliers, par exemple. »
II – BREF CATALOGUE DES CODES DE BONNE CONDUITE :
2.1 – Règles générales de la mise en place des Codes de bonne conduite et autres chartes :
Il est frappant de relever que, désormais, pratiquement toutes les branches d’activités ont établi des Codes de bonne conduite qui sont considérés, en général, comme de nouvelles formes d’expression du pouvoir de direction de l’employeur, des instruments de communication et donc de gestion des entreprises.
Dès lors et à ce titre, ils n’échappent pas pour leur mise en place dans l’entreprise à l’emprise du droit.
Ce n’est pas l’objet de mon intervention, ce jour, de vous expliquer les règles à respecter pour leur mise en place, mais rapidement, vous devez tout de même avoir à l’esprit que :
– la procédure applicable est celle afférente au règlement intérieur en application des dispositions de l’article L 1321-1 du Code du travail, – si le document intitulé « Charte » ou « Code » contient un dispositif d’alerte professionnelle pour être licite, il doit faire l’objet : – d’une déclaration d’autorisation à la CNIL, dès lors qu’il comporte un traitement automatisé de données à caractère personnel, – d’une consultation du Comité d’entreprise (Code du travail : article L 1323-32) et du CHSCT, le cas échéant, – d’une information individuelle préalable des salariés de l’entreprise (Code du travail : article L 1222-4).
Il faut noter l’existence d’une circulaire DGT n° 2008/22 du 19 novembre 2008 de la Direction Générale du Travail, qui apporte des précisions sur le régime juridique et les modalités de contrôle administratif de ces nouvelles formes d’expression du pouvoir de direction de l’employeur.
Une affaire récente, abondamment commentée, a illustré les « frottements » parfois difficiles entre les grands principes de notre droit, notamment, la liberté d’expression des salariés d’une part, et la volonté d’une grande entreprise, en l’occurrence, le Groupe DASSAULT de mettre en place un Code qui a soulevé l’opposition du syndicat CGT.
Dans un arrêt n° 08-17191 du 8 décembre 2009, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a, ainsi, déclaré illicite le système d’alerte professionnelle mis en place chez DASSAULT SYTEME élaboré en 2007 et qui s’intitulait « Code de conduite des affaires » définissant les règles de diffusion dans et hors l’entreprise, des informations transmises aux salariés.
La Cour de Cassation a estimé que ce Code était contraire tant à la liberté d’expression de chaque salarié qu’au droit d’expression direct et collectif dont jouissent les salariés dans l’entreprise (article L 2281 et suivants du Code du travail), dès lors que toute divulgation d’une information interne était soumise à une autorisation préalable.
La Cour de Cassation a également estimé que le Code ne respectait pas la délibération de la CNIL du 8 décembre 2005.
La prudence s’impose donc au moment de la conception et de la mise en place des Codes de bonne conduite.
2.2 – Exemples divers de Codes de bonne conduite :
Toutes les branches d’activités sont concernées :
Code de bonne conduite des activités mécaniques de loisirs,
Code de bonne conduite pour l’utilisation des images 3D,
Code de bonne conduite en matière de recherche et de développement.
Mais aussi et dans le domaine financier, sans que cette liste soit exhaustive :
Code des cambistes interbancaires (the model code),
Code de déontologie applicable aux sociétés de gestion bénéficiant d’un agrément pour le capital d’investissement élaboré par l’AFG (Association Française de la Gestion Financière) et l’AFIC (Association Française des Investisseurs en capital risque),
Code de bonne conduite relatif à la présentation des performances et des classements d’OPCVM (AFG),
Code de déontologie élaboré par la Société Française des Analystes Financiers (SFAF),
Code de bonne conduite AFEI/FBF sur la gestion des conflits d’intérêts en matière d’analyse financière,
Code européen de bonne conduite en matière de paiement électronique,
etc…
III – ETAT DES LIEUX DE LA JURISPRUDENCE :
Or, il est frappant de constater que la prise en compte par les juges des Codes de bonne conduite ne cesse de s’amplifier et que, de mon point de vue, il y a lieu d’approuver pleinement cette évolution qui fait entrer davantage la pratique professionnelle dans les prétoires.
Comme souligné à juste titre dans le Jurisclasseur Banque – Crédit – Bourse dans le fascicule traitant des « Devoirs professionnels des établissements de crédit » :
« Le juge peut contribuer à l’effectivité de la norme de conduite élaborée par des organismes privés dans la mesure où il y voit un standard professionnel dont la violation est constitutive d’une faute civile ».
Autrement dit, le contrat n’épuise pas toutes les hypothèses de la mise en cause possible d’un PSI.
Ce constat est essentiel car :
– non seulement, un client peut rechercher la responsabilité d’une banque sur le fondement d’une violation contractuelle (Article 1147 du Code civil), ou des règles générales de bonne conduite (qui étaient listées dans l’ancien Article L 533-4 du Code Monétaire et Financier, règles aujourd’hui reprises dans la directive MIF) : par exemple, jurisprudence classique sur les manquements divers à l’obligation de conseil, (3.1) – mais, aussi sur le fondement du non respect d’un Code de bonne conduite, (3.2) – et ce, selon une jurisprudence récente et novatrice, quand bien même la règle aurait été prise dans l’intérêt du marché et non spécifiquement du client. (3.3)
Les exemples illustrant ce constat peuvent être trouvés dans de très nombreux domaines, ainsi :
3.1 – La jurisprudence classique sur le manquement à l’obligation de conseil :
Exemples divers récents :
16 décembre 2008 – C. de Cass. Civ. – arrêt n° 07-21663 – Affaire : Banque MONTE PASCHI
Une banque est condamnée pour n’avoir pas, à l’occasion de la délivrance du mandat « procédé à l’évaluation de la compétence de
Monsieur et Madame X s’agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations ».
Elle est également condamnée pour ne pas avoir fourni « une information adaptée en fonction de cette évaluation. », le tout au visa des dispositions de l’article 1147 du Code civil et L 533-4 ancien du Code Monétaire et Financier.
Il est, en outre, reproché au visa des dispositions de l’article 1134 du Code civil de ne pas avoir suffisamment informé le client des risques pouvant découler de certaines opérations de par la rédaction même du mandat, outre sa tardiveté à restituer les liquidités aux clients de nombreux mois après la révocation du mandat, faisant ainsi perdre à ses clients la possibilité de placer leur argent à un taux avantageux.
Autre exemples :
2 avril 2009 – C. de Cass. Civ.1 – Arrêt n° 08-12-114 – Affaire : CREDIT LYONNAIS c/ FAYARD
L’établissement financier est condamné, car :
« Le document évoqué clair et précis ne comportait aucune information sur les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents à l’option dynamique choisie et qu’il incombait à la banque de rapporter la preuve qu’elle avait rempli cette obligation à l’égard de client non averti. »
Cette affaire est à noter, car elle met bien en lumière que désormais la charge de la preuve incombe à l’établissement financier et non au client.
7 avril 2010 – C. de Cass. Com – Arrêt n° 09-66.519 n° 423 – Affaire : AMAND c/ Sté STE FIN MEESCHAERT
Cet arrêt rappelle qu’avant d’accepter un mandat de gestion, la banque doit notamment évaluer la situation financière et l’expérience de son client, ainsi que lui donner une information adaptée.
3.2 – La jurisprudence se référant expressément au manquement à un Code de bonne conduite :
3.2.1- Exemples dans des domaines divers :
24 novembre 2009 – CA Bordeaux – Ch. B. Civ. 1 : Arrêt n° 08/02676 – Affaire : BOURDEAU c/ SCA ALLIANCE FINE CHAMPAGNE
Dans le domaine viticole :
La Cour d’Appel de Bordeaux a validé l’exclusion d’une société membre d’une société coopérative agricole viticole des vins de Cognac, exclusion fondée sur la violation par celle-ci du Code de bonne conduite :
« Le contrat de coopérateur est un contrat d’adhésion qui oblige celui qui le souscrit à respecter le règlement intérieur qui appartient intégralement au champ contractuel. En l’espèce, le champ contractuel contient un Code de bonne conduite, son non respect constitue une atteinte grave à l’image de la coopérative ».
28 janvier 2004 – CA de Paris 4ème Ch – Section A – Arrêt n° 2002/15549 – Affaire : Sté l’EQUIPE TV c/ Sté TV FRANCAISE 1
Dans le domaine de l’audiovisuel :
La Cour d’Appel de Paris s’est expressément référée au Code de bonne conduite signé le 22 janvier 1992 sous l’égide du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel entre les principaux télédiffuseurs. Ce Code de bonne conduite a fixé les usages, en matière de brefs extraits, à la durée d’une minute trente secondes qui constitue la norme généralement admise pour la transmission des résultats d’une journée de compétition.
Une société de télévision, dont le libellé du prospectus de vente d’espace publicitaire laissait entendre, notamment, que ces temps n’étaient pas respectés, a été condamnée pour manquement au Code de bonne conduite.
11 mai 2004 – CA de Poitiers – Ch. Civ 1 – Arrêt n° 01/00808 – Affaire : GUERET c/ Sté WANADOO INTERACTIVE
Dans le domaine de l’informatique :
La Cour d’Appel de Poitiers a sanctionné la pratique du « spamming » en se fondant sur le NETIQUETTE qui est le Code de bonne conduite sur Internet.
Les magistrats ont jugé que l’envoi de messages non sollicités par les destinataires est considéré dans le milieu Internet, comme une pratique déloyale et gravement perturbatrice qui perturbe l’équilibre du réseau et provoque l’encombrement des messageries avec un coût pour l’internaute qui doit procéder à la suppression de ces messages non désirés.
Les magistrats ont, ainsi, reconnu la valeur des règles insérées dans le Code de bonne conduite sur Internet dit « NETIQUETTE ».
3.2.2 – Exemples dans le domaine financier :
30 novembre 2005 – C. de Cass. Crim. – Arrêt n° 04-86905 Affaire : CDR c/RIDEAU
Dans cette affaire, j’étais l’avocat d’une banque la BATIF (reprise ultérieurement par CDR CREANCES) qui avait été victime des agissements d’un arbitragiste cambiste, Directeur de la salle des marchés.
Le directeur de la salle des marchés avait mis en place un système frauduleux, ayant abouti à détourner des sommes très importantes au préjudice de la banque qui avait déposé plainte à son encontre pour « abus de confiance ».
Il avait été demandé par CDR CREANCES un rapport à Charles-Henri TAUFFLIEB pour analyser le mécanisme complexe utilisé par ce directeur et rappeler les obligations de bonne conduite en vigueur dans ce type d’activité.
Devant le Tribunal Correctionnel de Paris et la Cour d’Appel de Paris, le directeur de la salle des marché avait, notamment, prétendu expliquer un certain nombre d’opérations frauduleuses, par le fait qu’il avait le droit de se livrer à des opérations pour son compte personnel.
Il était, à l’époque des faits, unanimement reconnu par les professionnels et par le Code de bonne conduite des cambistes qu’une activité personnelle était totalement incompatible et même interdite déontologiquement, puisqu’on ne pouvait pas conserver son impartialité en défendant des positions de change de son employeur, alors que sur le plan personnel on gère des positions souvent opposées.
Or, les magistrats, qui avaient notamment entendu Monsieur Charles- Henri TAUFFLIEB, en qualité de « sachant » ont retenu cet argument en indiquant :
« Considérant, en effet, que selon les usances de la profession concernant les salles de marchés, il s’avère que la quasi totalité des banques respectait le principe bien établi dans la profession – voire formellement imposé par certaines directions – qui était de ne jamais traiter une opération pour un compte propre pour éviter les conflits d’intérêt entre l’opérateur et la banque, le risque étant que l’opérateur affecte à son compte personnel les opérations « gagnantes » et de dépouiller sur la banque qu’il employait, les opérations « perdantes » » CA de Paris du 15 novembre 2004.
Cette analyse a été confirmée par la Cour de Cassation.
19 novembre 2007 – C.A de Douai – Ch 1 Section 1 – Affaire : LIBERTE FINANCES c/VILET
La Cour a estimé que le non respect par un courtier du Code de bonne conduite établi par le Code Monétaire et Financier a constitué une faute, le courtier n’ayant pas permis aux emprunteurs de prendre connaissance des causes de leur décision à propos du rachat de leur crédit, de sorte que c’est à juste titre, tirant les conséquences du défaut d’informations données et de la perte de confiance en résultant qu’ils ont révoqué le mandat du courtier.
7 juillet 2009 – C. de Cass. Com. Arrêt n° 08-17.424 – Affaire : Sté DES PAIEMENTS PASS 2P
Cet arrêt est particulièrement intéressant, car il précise que c’est au donneur d’ordre d’invoquer la violation des règles de bonne conduite, les juges ne pouvant soulever ce moyen d’office.
21 janvier 2010 – Décision de la Commission des sanctions de l’AMF :
Un collaborateur d’une entreprise prestataire de services d’investissement pourtant informé de sa qualité de « personnel sensible » avait attesté par écrit à deux reprises ne pas posséder de compte-titres, ni en France, ni à l’étranger, alors qu’il était titulaire d’un tel compte au moment de ces déclarations.
Considérant que ces fausses déclarations constituaient un manquement aux obligations professionnelles du salarié dans la mesure où l’obligation de déclaration des comptes figurait parmi les règles de bonne conduite annexées au règlement intérieur de l’entreprise, la Commission des sanctions de l’AMF a prononcé un blâme à l’encontre de ce collaborateur.
3.3.3 – La jurisprudence nouvelle sur le droit pour le client de se prévaloir de règles générales visant à protéger les marchés :
Exemples spécifiques de la responsabilité de la banque envers un client pour non respect de règles édictées en faveur du marché :
Une importante évolution a été marquée par plusieurs décisions de la Cour de Cassation rendues en 2008 dans les circonstances suivantes :
En effet, auparavant, la jurisprudence refusait au client d’une banque d’agir en responsabilité contre celle-ci, lorsqu’elle avait pris des mesures qui pouvaient, certes, lui être préjudiciables sur le plan pécuniaire, mais qui s’inspiraient du bon exercice de son activité.
Or, plusieurs arrêts importants ont été rendus donnant désormais au donneur d’ordre le droit de pouvoir se prévaloir de règles professionnelles prises dans l’intérêt du marché et de pouvoir reprocher à son PSI de ne pas avoir agi au mieux de ses intérêts : ces arrêts ont été rendus notamment sur la règle de l’obligation de couverture.
26 février 2008 C. de Cass. Com. Arrêt n° 07/10761 – Affaire : BANQUE CORTAL
Cet arrêt pose le principe que la réglementation relative à l’obligation de couverture étant édictée tant dans l’intérêt de l’opérateur et de la sécurité du marché, que dans l’intérêt du donneur d’ordre, le donneur d’ordre peut s’en prévaloir pour engager la responsabilité de la banque.
7 octobre 2008 C. de Cass. Com. Arrêt n° 07-17067- Affaire : DUBUS/ALCATEL
Un client reprochait à son prestataire de services d’investissement « PSI » d’avoir laissé concentrer son portefeuille sur une seule valeur (ALCATEL) et la Cour de Cassation a condamné la banque à verser des dommages et intérêts au motif que :
« Le PSI doit répondre des conséquences dommageables des fautes qu’il commet en omettant de se conformer aux règlementations applicables à l’exercice de son activité » (défaut de liquidation d’office des positions comme l’y obligeaient les règles du marché).
4 novembre 2008 C. de Cass. Com. Arrêt n° 07-21481 – Affaire : CAISSE DU CREDIT AGRICOLE DE CHAMPAGNE
La banque est condamnée, car selon la Cour de Cassation :
« Le prestataire de services d’investissement doit exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients et de l’intégrité du marché, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables à l’exercice de son activité de manière à promouvoir au mieux les intérêts de son client et l’intégrité du marché ; … que le prestataire habilité qui fournit les services de réception et de transmission d’ordres via internet doit, lorsqu’il tient lui-même le compte d’espèces et d’instruments financiers de son client, disposer d’un système automatisé de vérification du compte et qu’en cas d’insuffisance des provisions et des couvertures, le système doit assurer le blocage de l’entrée de l’ordre »
7 avril 2010 – C. de Cass. Com. – Arrêt n° 09-14.022 n° 406 – Affaire : JAEGER c/ BANQUE CIC EST
La banque engage sa responsabilité si, faute de couverture suffisante, elle ne procède pas à la liquidation d’office des positions de son client.
Autrement dit, le client est en droit de se prévaloir du non respect de règles générales destinées à protéger le fonctionnement des marchés.
Pour l’anecdote, j’ai moi-même invoqué cette jurisprudence de 2008 dans une affaire récemment plaidée devant le TGI de Paris qui en a fait application, s’agissant du grief que je formulais, parmi d’autres, au nom de mes clients, à l’encontre d’une banque de n’avoir pas respecté la règle de couverture.
En effet, le Tribunal a expressément relevé dans une décision définitive en date du 25 janvier 2010 – 9ème chambre – 1ère section – n° 05/03134 (Affaire : ANDRIES et autres c/ BRED)
« Le prestataire de services d’investissement est tenu d’exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients avec la compétence, l’intégrité du marché, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables à l’exercice de son activité.
En conséquence, le donneur d’ordre a la possibilité d’invoquer à son profit le non respect des règles de couverture si cette violation lui a causé un préjudice.
Par conséquent, la faute de la banque réside dans la compensation fautive entre deux comptes non homogènes. Cette faute a engendré l’impossibilité pour les requérants de recouvrer les avoirs déposés sur leur compte.
Toute cette jurisprudence récente est donc favorable aux intérêts des clients que ce soit des particuliers ou des entreprises.
CONCLUSION
Aux termes de ce rapide éclairage sur les Codes de bonne conduite et leurs effets, force est de constater que cette 4ème édition du Code de bonne conduite de l’AFTE constitue un instrument extrêmement utile pour la bonne définition des relations entre les PSI et leurs clients, d’une part, et donc pour le maintien et le développement de relations de confiance, d’autre part.
En effet, comment ne pas rester « pantois », lorsque l’on lit l’excellent article paru dans Le Monde du 4 mai 2010 sur l’affaire GOLDMAN SACHS intitulé « Les conflits d’intérêts d’ABACUS » ?
Toutes les règles élémentaires rappelées dans notre Code de bonne conduite page 11 dans le chapitre 2.2 « Obligations du prestataire » paraissent avoir été ignorées :
– le client, sauf à mener une enquête extrêmement complexe et approfondie, n’avait aucune information exacte claire et non trompeuse sur les caractéristiques du produit au nom « barbare », désormais célèbre, « ABACUS 2007 – AC 1 » qualifié de CDO « synthétique », – ce produit anormalement qualifié « d’obligation » pour des raisons dites « d’appât marketing », bénéficiait d’une notation qui constituait le « sésame » pour inspirer confiance aux clients, la notation AAA, alors qu’il est démontré qu’un taux de plus 7 % de défaut de paiement était déjà avéré, – pire, les chapitres du contrat ABACUS consacré aux « facteurs de risques » stipulaient précisément :
« Que GOLDMAN SACHS peut détenir des informations qu’il « n’entend pas dévoiler publiquement » et que la présentation aux acquéreurs « peut ne pas contenir toute information utile à l’évaluation des mérites et des risques » du CDO. »
D’ailleurs, lors de leur audition devant la Commission, les représentants de GOLDMAN SACHS ont dit, en parlant de leurs clients :
« Nous sommes à leur service, mais nous ne sommes pas leur conseil »…
Autrement dit, n’était apparemment respecté aucun des principes rappelés dans le Code de bonne conduite de l’AFTE et notamment :
– le devoir d’information, – le devoir de mise en garde, – le devoir de conseil, – la règle de la meilleure exécution.
Sans parler d’un conflit d’intérêts majeur entre les « intérêts » de la personne morale et ceux des clients, puisque la banque vendait à ceux-ci des produits « toxiques », dont elle voulait se débarrasser !
Pour éviter évidemment que ce genre de pratiques « atypiques » – c’est un euphémisme – ne puisse voir le jour en FRANCE et pour valoriser la Place de Paris, il faut se féliciter que l’AFTE ait élaboré des règles précises rappelant les droits et obligations des Intervenants.